mercredi 8 mars 2017

L'Ecole et les Filles


Le journal Le Réveil d’Uzès donne en juillet 1900 les résultats de réussite au certificat d’études. A  Vallabrix, pour nos écoles publiques, chez les garçons, Dussaud et Roudil, chez les filles Boutaud et Gouffet. Nous n’avons pas les prénoms.
L’enseignement pour les filles procédera d’un accouchement difficile ! Charlemagne avait donné le ton par son capitulaire de 789 : « qu’on rassemble non seulement les fils de condition modeste mais les fils bien nés. Qu’il y ait des écoles pour l’instruction des garçons ». Les écoles sont essentiellement monastiques jusqu’au 13è-14ème siècle où des écoles municipales ou consulaires dans notre Sud ouvrent avec prise en charge d’un local ou loyer, parfois d’un petit salaire pour le maître. Mais toujours pas pour les filles.
Les rivalités religieuses du 16ème siècle vont favoriser l’enseignement. Luther en 1524 écrit : « il faut en tous lieux des écoles pour nos filles et nos garçons », Calvin élabore un « Formulaire d’instruire les enfants en la chrétienté ». Apprendre le français c’est pouvoir lire la Bible, et accéder à une certaine autonomie. L’Eglise Catholique avec le concile de Trente s’investit dans des ouvrages de catéchisme et de dévotion que l’on doit être capable de lire. Le roi par une ordonnance de 1560 décide qu’une somme doit être prévue dans chaque église, dans chaque paroisse pour l’entretien d’un régent (maître). Nous sommes en plein dans les guerres politico-religieuses de cette fin de 16ème siècle. Dans les villes comme Uzès des écoles protestantes, des écoles catholiques, parfois un local pour les deux, selon les épisodes politiques. Parfois avec une salle pour les petits. Mais les filles seront les grandes oubliées.
La fin du 17ème siècle verra s’ouvrir des pensionnats pour les filles de bonnes familles. La Révocation de l’Edit de Nantes de 1685 est passée par là, et les nouvelles converties y sont parfois internées pour les confirmer dans la religion catholique et les soustraire à l’influence de leur milieu protestant. Elles y apprennent « l’économie domestique », pour bien tenir une maison, un peu de calcul, de lecture, d’écriture….. Par contre dans les Maisons de Providence les orphelines seront élevées en bonnes chrétiennes, et elles apprendront surtout à gagner leur vie par le travail manuel. En 1798 l’inventaire d’une Maison de Providence ne mentionne que des livres de morale !.
A Vallabrix nous avons un maître en 1688, toujours pour les garçons. Il semble que nous n’avons pas de maîtresse de couture comme dans certains villages, c’est-à-dire une femme ou une religieuse qui enseigne « l’économie domestique » à nos filles. Celles-ci apprennent à tenir une maison, à travailler aux champs, les soins à donner aux bébés, aux animaux avec leurs mères, avec leur entourage.
La Révolution, l’Empire, n’apporteront pas grand-chose à l’éducation des filles. Il faudra attendre la loi Guizot de 1833 et la loi Falloux de 1850 qui insiste pour la création d’école de garçons mais éventuellement de filles dans les communes qui en ont les moyens.  On ne parle toujours pas d’obligation et de laïcité, de gratuité. Le pays manque d’enseignants, de locaux et les mentalités n’ont pas beaucoup évolué. La loi Guizot de 1833 autorise en théorie la mixité...La loi Pelet de 1836 loi rend obligatoire pour toutes les communes de plus de 500 habitants une école primaire élémentaire. La mixité est très exceptionnellement une réalité en France car l'école ne concerne que les garçons selon les principes de l'époque.
Ecole-mairie Maison Ronde 1849
A Vallabrix nous construisons une école-mairie malgré nos maigres ressources. Elle est inaugurée en 1849. Une institutrice Hélène Rieu est nommée en 1855 pour s’occuper des filles. Elle sera moins payée que son confrère instituteur et son allocation chauffage sera moindre. La commune donne un petit salaire, les parents paient une quote-part. En 1869 notre école a un effectif de 31 garçons et 22 filles répartis en deux sections. En 1871 nous devons faire des économies, et la section filles est supprimée. Elle est obligatoire dans les communes de plus de 500 habitants et nous sommes 447 .  Nous espérons la création d’une école libre pour les filles : « les religieuses coûteraient moins cher et les petites filles seraient mieux dirigées dans un pays où elles sont toutes catholiques ». L’inspecteur fait remarquer « qui se chargera des travaux d’aiguilles ? ». Il souhaite que la décision soit reconsidérée. Mais nos élus maintiennent leur décision : une classe mixte avec 40 enfants et un instituteur.
En août 1872 une école religieuse va se mettre en place. Un local dans le quartier du Planet est offert par Mme Veuve Foussat avec deux religieuses pour enseigner.
En1877 nous avons au total 25 garçons et 20 filles scolarisés dans nos deux écoles (laïque et libre).
L’école de la République se met vraiment en place à partir de 1881. Elle doit amener progrès moral, humanisme, civilisation. Pour Paul Bert il s’agit de réunir sur les bacs de l’école tous les enfants, d’élaguer tous les sujets de division. Ce discours est très attendu dans notre région si souvent dévastée par des conflits religieux. L’instruction devient obligatoire et gratuite pour les enfants de 6 à 13 ans, garçons et filles. Programmes, certificat d‘études, commission municipale (Vallabrix a droit à trois membres désignés), caisse des écoles….
Mais les mentalités ou le conservatisme ambiant demandent dans notre village une école spécifique pour les filles. L’école du moment (la fameuse Maison Ronde) « est peu pratique ni disposée convenablement pour sa destination ». On envisage la construction d’une autre école pour les garçons, les filles se contentant de la Maison Ronde peu pratique. Le projet est lancé dès juillet 1882, l'actuelle école-mairie à l'entrée du village.
En 1886 nouvelle valse-hésitation : les écoles laïques pour les filles ne sont plus obligatoires, les communes peuvent choisir. Leur maintien sera à leurs frais. A Vallabrix nous votons en 1887pour la suppression et nos enfants vont s’entasser à nouveau dans une classe mixte. Une école libre pour les filles est à nouveau créée dans la Maison Ronde louée.
Santon production Minirose 
Mais la mixité dans notre école publique n’est pas du gout des Vallabrixois qui obtiennent en 1891 de récupérer la salle de classe de la Maison Ronde pour les filles. "Ce serait un bienfait pour la population ». On a le local, le mobilier. L’école libre part dans son local du Planet. En novembre 1902 nos élus tournent la page : l’ouverture d’une école libre pour les filles est refusée, « deux écoles de filles sont de nature à perpétuer les divisions locales dans l’esprit des enfants et semer de regrettables inimitiés ». Pourtant dans nos familles les filles sont garantes d’un mode vie, religieux, culturel et donc doivent être éduquées à l'»ancienne ». Et puis nos filles qui avaient fréquenté une école libre trouvaient plus facilement à travailler dans une maison bourgeoise ou à se marier dans une bonne famille !!
En 1922, à nouveau une classe mixte au grand désarroi de la population. En mai 1931, 44 élèves. La loi de 1933 propose de diviser les effectifs en deux sans distinction de sexe, une classe de grands et une de petits. Le conseil municipal désapprouve au nom de la morale et des bonnes mœurs.

Ces tâtonnements, ces bonds et retours en arrière montrent à quel point la société villageoise a eu du mal à se remettre en question. Mais le ver était dans le fruit !!
Quelques dates :
La loi de Parieu du 11 janvier 1850 imposait à toutes les communes de plus de 500 habitants d'ouvrir une école de fille.
En 1867, Victor Duruy autorise la création d'écoles pour filles dans les communes de plus de 500 habitants, mais peu les fréquentent. Création des cours secondaires féminins publics
La loi Camille Sée de 1880 ouvre l'enseignement secondaire public des jeunes filles en créant des collèges et des lycées.
La loi Ferry de 1881 institue la gratuité de l'enseignement primaire et en 1882 institue l'obligation et la laïcité de l'enseignement.
Le décret de Léon Bérard en 1924 institue, pour les filles, le même enseignement secondaire que les garçons.
Le baccalauréat est ouvert aux filles en 1924.


Sources : archives municipales Vallabrix, Uzès - archives départementales du Gard - Société Historique de l'Uzège Les Ecoles d'Uzès du Moyen-Age au XXème siècle - Couradou novembre 2011- Photos collection privée -
₪₪₪₪₪₪₪₪₪



Mairie-Ecole fin 19ème siècle- Abri bus du 20ème siècle













Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.