dimanche 5 mars 2017

Une école bien particulière




Après la Révocation de l’Edit de Nantes, Louis XIV rend dès 1698 l’école obligatoire jusqu’à 14 ans pour les garçons du royaume. Les enseignants doivent être catholiques évidemment. Les valets deviennent « raisonneurs » ce qui ne plait pas toujours à leurs employeurs. Dans les villes des religieux et religieuses se chargent de l’enseignement, souvent comme à Uzès, trois ou quatre pour 400 élèves. Dans les petits villages, le recrutement est plus difficile et le salaire est à la charge de la communauté. Nous payons déjà un maître « des Colles » en 1688, Malheureusement les documents de cette période sont rares, nous en avons perdu lors des dragonnades de 1685).Mais quelques traces de budget prévu pour payer le maître, le local, son chauffage, en 1708, (60 livres), 1709(120 livres), 1710,1711, 1712,1722,1723……donc assez régulièrement. Le salaire sera le même jusqu’à la veille de la Révolution. Dans les archives communales, l’instituteur disparait de 1789 à 1816 (salaire 300 frs en 1816). Mais nous ne pouvons pas en conclure que pendant cette période nous n’avions pas d’école, là aussi nous avons perdu un grand nombre de documents, notre greffier ayant été arrêté et ses archives dispersées..

L’école se tient depuis 1719 dans le château au Grand Membre que la Communauté loue pour 5 livres par an à Mme de Ruffier. Plus tard l’école se fera chez d’autres particuliers (Guiraud par exemple…) jusqu’à la construction de la « Maison Ronde du milieu du 19ème ».
Il s’agit d’une seule pièce qui sert de chambre pour l’instituteur et de salle de classe.

Le 19 novembre 1724 une réunion en place publique se tient à Vallabrix en présence du premier consul Guillaume Agniel et du Lieutenant du juge François Boucarut. Toute la population de la Communauté est convoquée. L’affaire est grave.

Jean Perrier, ouvrier pipier de St Quentin est le précepteur de la jeunesse c'est-à-dire l’instituteur ou régent.

Il enseigne alternativement une semaine à Vallabrix, une autre à St Victor les Oules. Il ne coûte que 60 livres par an à chacune des communautés, au lieu de 120 livres, tarif habituel et il n’est ni logé ni nourrir par les villages, mais il a été payé d’avance jusqu’au «vingtième mois passé inclus ». Le problème est que le dit Perrier « ne saurait enseigner d’écrire ni de lire ne le sachant pas lui-même » !!

Et même s’il savait lire et écrire, les enfants n’avanceraient pas car d’une semaine sur l’autre ils oublient le peu qu’ils ont appris, n’allant à l’école qu’une semaine sur deux, les chemins étant « affreux et impraticables » et les paroisses éloignées d’une « grande demi-heure ». La Communauté assemblée, d’une seule voix, donne pouvoir et charge aux consuls « de sommer par acte ledit Perrier qui s’opiniâtre à faire les Ecolles ». Les parents avaient déjà demandé aux consuls du village de donner congé à ce bizarre instituteur mais celui-ci n’a pas voulu se retirer et de semaine en semaine il revient « faire semblant de faire les Ecolles » !!!. On ne sait pas comment l’affaire se termina. En 1725 le 20 mai le salaire d'un enseignant (lequel ?) apparaît au budget du village : 120 livres et 3 livres pour le loyer. Mais nous n’avons pas d’instituteur et l'argent ne sera pas utilisé. Nous avions  donc abandonné le système de partage avec St Victor. (Archives communales de Vallabrix-Recueils 1681/1728/1793/1856). En 1724 nous avions bien payé les 60 livres du sieur Perrier (Cour des comptes de Montpellier arch communales). Mais dès 1727,nous payons à nouveau un maître d’école et un loyer.

Depuis 1563, et surtout à partir de 1615, l’Eglise Catholique insista pour que les paroisses se dotent d’un instituteur (ou régent ou précepteur de la jeunesse) qui se devait d’enseigner les rudiments de lecture, d’écriture et de calcul. Le maître recevait l’aval du curé et de l’évêque. Les enfants  suivaient les cours de la fin octobre jusqu’à la St Jean, le reste de l’été étant consacré à aider les parents dans les champs. Seuls les garçons étaient concernés. L’instituteur pour compenser son maigre revenu, exerçait un autre métier, tisseur de laine, sacristain, maçon, potier…La lecture s’apprenait en première année aux plus petits et cet enseignement semblait privilégié car c’était en général un apprentissage gratuit, peut-être pour mettre les enfants sur un pied d’égalité avec ceux  qui apprennaient à lire dans la Bible au sein des familles protestantes. L’écriture et le calcul étaient enseignés en deuxième et troisième année et là il était demandé une petite participation aux parents (le droit d’écollage).

La Communauté aidait les plus démunis à payer cette contribution. Pour ce début de siècle nous ne savons pas à combien se montait cette participation, les déclarations de revenus de tout un chacun étaient peu crédibles sur Vallabrix. En effet l’ancien compoix de 1632 avait été rendu inutilisable par les « fanatiques » de tous bords qui avaient sévi de 1685 à 1705 sur notre commune. Il faudra attendre le nouveau compoix de 1728 pour clarifier la fiscalité de la communauté. Les compoix permettaient de fixer l’impôt (la taille) sur le rendement des terres, donc les revenus des habitants. Il n’est peut-être pas innocent que le document symbole de l’imposition soit vandalisé, en partie détruit lors des différentes émeutes de cette période.
Un projet de construction d’école devra attendre 1836 pour voir le jour et 1849 pour son inauguration.
En ce qui concerne les « chemins affreux et impraticables » il est vrai que la plupart des villages en ce début du 18ème siècle étaient reliés entre eux par des chemins muletiers (Vallabrix/St Victor – St Victor les Oules/La Capelle). Les "guides" des chemins de pèlerinage nous renseignent sur ces voiries. 
D’autres chemins étaient carrossables « périodiquement » (le terme est cocasse !) c'est-à-dire des chemins non empierrés et praticables par temps sec (Uzès/St Quentin- Uzès/St Victor-  chemin d’Avignon de St Quentin à Pouzilhac  -  St Victor/Flaux/Environs d’Argilliers etc….).
Des chemins empierrés reliaient Uzès Pont du Gard Remoulins ou Uzès à Alès.
Un chemin carrossable « périodiquement » passait par la garrigue de Vallabrix et reliait Bagnols sur Cèze à St Quentin. Il nous faut reconnaître ici que ces chemins impraticables nous ont probablement permis d’échapper en partie au pire lors de la grande dragonnade d’Uzès de 1685.
(Registre des consuls-arch comm Vallabrix + archives départementales du Gard -photos perso)




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