lundi 10 avril 2017

Ce que femme veut....

Les indiennes filles du Sud ou ce que femme veut…. :


Au XVIIème siècle des cotonnades peintes nous arrivent des Indes; de Perse, de Turquie par le port de Marseille. Déjà une trace dans les écrits en 1567, un commerce d’indienne passe par le port-relais de Marseille. Succès immédiat, des décors luxuriants, des couleurs vives, joyeuses : ce sont les « indiennes », ce que nous appelons maintenant des tissus provençaux. Deux fabricants de cartes à jouer (Benoît Ganteaume et le graveur Jacques Baville) en 1648 vont copier ces indiennes en se servant du même procédé que pour les cartes : les tampons d’imprimerie en bois. Leurs tissus se vendent bien, moins chers que les indiennes importées. Ils habillent les dames de la cour comme la petite vendeuse, l’ouvrière ou la domestique. Un hic, les couleurs avec le temps palissent, perdent de leur vigueur. Soleil, lavages répétés, nos couleurs ne résistent pas. Colbert en créant la Compagnie des Indes en 1664 et avec l’assentiment du roi Louis XIV fait venir alors une centaine de familles d’Arménie (400 personnes environ) qui maitrisent la technique de la couleur sur tissu, l’indiennage. Déjà auparavant, des négociants arméniens commerçaient dans notre sud. Ces familles s’installent de Marseille jusqu’à Sommières dans le Gard.  Présence attestée de ces compagnons peintres d’ »indiane » en 1677 Avignon, 1678 Nîmes, 1680 Arles. Madame de Sévigné est une inconditionnelle de ces tissus, Molière consacre les « indiennes » dans la bouche de son Bourgeois Gentilhomme en 1670. Tout va pour le mieux.

Mais les fabricants de tissus de soie et de lin s’inquiètent devant l’engouement de la population pour le coton et les indiennes. Ils manifestent et après la mort de Colbert sous l’influence de Louvois, le roi Louis XIV en 1686 le 26 octobre en interdit la fabrication le commerce et le port de vêtements en indienne dans tout le royaume. Les sanctions sont démesurées : porter une indienne  c’est une amende et prison si récidive, trois ans de galère pour en avoir fait le commerce et peine de mort pour en avoir fabriqué ! Les fabricants doivent brûler tous leurs tampons en place publique : on perd ainsi des chefs-d’œuvre de gravures sur bois.  La plupart des indienneurs provençaux et languedociens s’exilent en Suisse, en Allemagne, Toscane, Sardaigne…, grossissant le flot de fugitifs français et huguenots. La Basse-Ardèche, le Vivarais se vident de leurs indienneurs et les femmes qui majoritairement étaient employées dans ce secteur se retrouvent au chômage. Les Uzétiens, les fils Pourtalès vont créer une puissante entreprise d’indiennage à Genève et Neuchâtel.  Un musée de Genève et un autre de St Pétersbourg en Russie ont dans leurs réserves des tampons arrivés avec nos indienneurs, les Négret d’Anduze, les Claparède de Nîmes. Un Bosanquet de Lunel s’installe à Cadix… L’argent et le savoir-faire partent avec eux.. 
Les pouvoirs politiques locaux vont bien essayer dans un premier temps de freiner la répression. Mais ils devront fermer les yeux et faire le deuil d’un secteur économique pourtant en bonne santé, riche d’emplois et de bénéfices.
Tampons soleiado

Tampon indien
Des résistances parfois violentes. On frappe, insulte les sergents chargés d’appliquer la loi. En 1738 une révolte à Sommières oppose tous les habitants et les sergents du roi qui s’apprêtaient à verbaliser des femmes en jupes d’indienne. Le sang coule. Les représentants de la loi sont jetés hors la ville. Ce sera une émeute qui fera date. Louis XV enfin en 1759 abroge ces décrets. A la fin du 18ème siècle, le pays compte pas moins de 150 entreprises d’indienneurs, dont les fameux établissements nîmois Faussard, Altier, Rigot associés, célèbres dans toute l’Europe pour leurs mouchoirs imprimés. Des tampons réapparaissent comme par magie. Des graveurs sur bois n’ont pas perdu la main et fabriquent des merveilles.  
Que sont devenues les familles arméniennes ? Certaines sont reparties mais la plupart ont fait souche dans notre province, souvent par mariage avec des gens du cru. Les fabricants de soieries ont profité de leurs compétences : arrivent sur le marché des motifs, des couleurs fortement inspirés d’Asie Centrale. De nos jours, leurs descendants sont boulangers, fonctionnaires, artisans, médecins, sportifs… Actuellement un musée est consacré à cet art qu’est l’indiennage à Tarascon (39 rue Proudhon dans l’hôtel particulier d’Ayminy – pour le visiter voir horaires et jours d’ouverture -souleiado.lemusee.com) - musée organisé par l'entreprise Soleiado qui a sauvé la tradition de l'indiennage..

Sources : Gazette de Nîmes n°797 supplément dossier et photos tampons Patrimoine  Daphné Arthomas --  Olivier Raveux  La Naissance de l’Indiennage Européen , l’Exemple de Marseille CNRS UMR Telemme Aix en Provence –CH Diran-Tékezian  Marseille la Provence et les Arméniens 1929 Mémoires de l’Institut d’Histoire de Provence arch dép des Bouches du Rhône B 138 et E201 registres paroissiaux. – généanet généalogie – Journal de Nîmes 1786 numérisé BNF + Carré d’Art Nîmes- photos musée Soleiado- a little mercerie.com-certi'ferme- internet wikipédia


 
Musée Soleiado Planches et Tampons

 

Couturières 18ème siècle Arles Tableau A Raspal- 





  


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