mardi 25 juillet 2017

Conte de l'Uzège - La Dame Blanche de St Quentin

La Dame Blanche de St Quentin La Poterie



Dans la garrigue à l’extérieur de St Quentin il y avait une tour qui pointait encore il y a peu son nez au -dessus des arbres. Ce ne sont plus que des ruines maintenant. Les « estrangers d’ici » l’appelaient « Cantadur ». Les genss d’ici la nommaient « Cantaduc ». Monseigneur le Duc d’Uzès y venait faire ses fredaines et lorsqu’il était content il chantait à tue-tête. Et quand Monseigneur le Duc était content, les paysans tout autour étaient aussi contents !! D’où Cantaduc… Il y a d’ailleurs une rue Cantaduc à St Quentin, donc on est un peu près dans le vrai, du moins en ce qui concerne l'orthographe de la tour….. D'où vient vraiment son nom ? 

La légende dit qu’au pied de cette tour, il y a très longtemps,  il y avait un château hanté par une Dame Blanche. Les archives ne mentionnent pas de château à cet endroit, mais dans ce village il y a eu à une époque jusqu’à 22 coseigneuries donc une flopée de châteaux et de maisons nobles. Alors un château de plus ou de moins !! Pourquoi par là.
Or donc, ce soir-là, le village essuyait un de ces orages déchaînés que l’automne nous réserve. Maintenant on appelle ces orages des épisodes cévenols. Les hommes s’étaient rassemblés au café de Paris, dans la fumée des pipes et les relents de vin. La pluie tambourinait le toit, la terre et les graviers giclaient devant l’auberge. L’eau dévalait la pente, en rigoles cascadantes. Le village attendait dans une peur refoulée, dans les prières muettes des grand-mères. On disait qu’un platane de la place devant le temple avait cassé déjà une branche ; à quand la prochaine ?
Le cabaretier avait prévu des grillades, cela sentait l’ail, le thym, le gras brûlé… Pour ne pas entendre la pluie, chacun parlait fort, disait n’importe quoi, des bêtises le plus souvent. On riait un peu jaune. On ne pouvait pas jouer aux cartes, le ciel était tellement bas que l’on n’y voyait goutte dans la salle. Et bien sûr un plus malin que les autres se mit à parler de la Dame Blanche qui se promenait les jours de tempête sur les remparts du château de la Tour Cantaduc.
-             -  C’est des histoires de vieilles femmes, cria un ouvrier agricole venu de la plaine.
-          - Tais-toi ! il va t’arriver malheur, lui répondit un vigneron du village. Moi je l’ai vue comme je te vois, et même plusieurs fois. Un jour d’orage elle est venue jusque dans ma vigne derrière le maset. On voit pas bien son visage, elle est enveloppée de voiles blancs, brillants qui flottent alors que toi tes vêtements sont collés par la pluie du Bon Dieu. C’est comme si on voyait à travers, derrière elle.
-          - Et tu ne l’as pas attrapée ?
Comme si on pouvait !! Ricanent les uns, se tapent sur les cuisses les autres, les regards devenaient noirs. Ces gens de la plaine ne savent vraiment rien et ils donnent des leçons !! Ils vont bien nous porter la poisse !! Le cabaretier sentait la bagarre venir entre ceux qui croyaient à la Dame Blanche et ceux qui n’y croyaient pas. La conversation devenait orageuse elle aussi, les moqueries volaient bas, même en dessous de la ceinture.
-          - Taisez-vous cria brusquement quelqu’un au fond de la salle. Je vais vous départager moi.
L’inconnu noir comme un cep de vigne, les yeux clairs, se leva !
Un grand silence s’installa, les bûches de la cheminée en profitèrent pour approuver l’intervention en un craquement sinistre.
-          - Voilà dit l’homme, qui croit en la Dame Blanche ?
-          -  Moi,  cria le vigneron qui se nommait Cyrille.
-          - Qui ne croit pas à la Dame Blanche ?
-          - Moi hurla l’ouvrier agricole qui venait de la plaine et qui se nommait Etienne
-          - Voila ce que nous allons faire. C’est une nuit de tempête, une nuit pour la Dame Blanche disent certains, une nuit comme les autres disent ceux qui n’y croient pas. Tous les trois nous allons monter jusqu’aux ruines du château et on reviendra vous dire ce que nous avons vu.
Cyrille et Etienne ne pouvaient reculer, ils étaient devenus des héros malgré eux, en trois coups de mots !

La porte se referma sur les trois hommes et le cabaretier en profita pour remplir les verres.
Et les trois hommes grimpent dans la pierraille sous la pluie battante. Ils arrivent devant la porte arrondie de la muraille. Un moment d’hésitation devant le trou noir de l’intérieur de la cour du château. Les nuages bouchaient le ciel, le vent s’était mis de la partie. Quand ils pénétrèrent dans la cour du château, les plaintes des arbres et des pierres devinrent moins violentes, la tempête semblait s’apaiser. Un souffle froid sortait des ruines.
-          - On ne va pas tarder à savoir qui à raison, chuchota l’inconnu en prenant une voix profonde et     mystérieuse.
Les nuages au-dessus des créneaux prenaient des allures étranges, chevaux, sorcières, fumées.. Des ombres agitaient les buis, les petits herbes folles de la cour.
Soudain Etienne poussa un cri. La Dame Blanche avançait lumineuse, lentement au milieu de la cour du château, enveloppée de voiles blancs. Ses cheveux blonds flottaient mais on ne pouvait distinguer son visage, jeune ou vieux. Les nuages déformaient cette vision, lui donnaient un aspect troublant, irréel.
Cyrille le vigneron était heureux sans crainte, devant elle et elle, royale, s’avançait vers lui, d’une démarche aérienne.
         - Dame Blanche que faisais-tu dans mon champ, Dis-moi ton malheur, dis-moi ce que je peux faire pour que tu sois en paix…,lui demanda Cyrille.
Mais la Dame Blanche devant lui ne le regardait pas, elle fixait maintenant Etienne avec un sourire sauvage de vieille sorcière.
Etienne essaya de reculer, de courir, d’éviter la Dame Blanche. Elle s’avançait toujours, cruelle. Etienne reculait, reculait, jusqu’au bord d’une faille qui s’ouvrait dans le vide. Quand il bascula dans la nuit, le fantôme disparut dans un mouvement comme un soupir, presque comme un chant de rossignol.
Cyrille chercha l’homme du café qui les avait embarqués dans cette aventure. Il ne le vit pas, il s’était évanoui dans la nature. Cyrille le cœur battant, retrouva la porte du château, et revint en courant dans le village. Il pleuvinait, le vent s’était calmé.
Lorsqu’il ouvrit la porte de l’auberge, ceux qui étaient restés dedans à les attendre, comprirent immédiatement. On ne plaisante pas avec les Dames Blanches !!!
Malheur à ceux qui croient que la Dame Blanche n’existe pas !!!

Certains maintenant disent que les Dames Blanches sont là pour effrayer ceux qui voudraient voir de trop près ce qu’il y a dans les dames-Jeanne qui sont transportées nuitamment. Qui sait ?    



Autre Dame-Jeanne
Dame-Jeanne
Sources : Michel Cosem Contes traditionnels du Languedoc – dessin Souzine – merci à Adrien Castanet pour son adaptation -


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