L’Andutz Mendi – ou
l’or de Moscou :
Au large du Grau du Roi et de la plage de
l’Espiguette, le 29 juillet 1937 vers 15 h, un cargo républicain espagnol est
torpillé par un sous-marin inconnu. Le navire se trouve à trois mille nautiques
(5,5km) au sud du phare de l’Espiguette. La guerre d’Espagne s’invite sur nos
côtes.
Le pétrolier et le
ravitailleur qui l’escortaient échappent à l’assaut. Ces navires avaient été
contrôlés par le sous-marin français Thétis le matin même au large de Port
Vendres et autorisés à poursuivre leur route. Les pétroliers Zorroza de la Cia
Arrendataria del Monopolio de Petroleos SA et Saustan ex Vallejo de la Cia
Arrendataria del Monopolio de Petroleos SA
peuvent s'échapper et se réfugier à Sète.
Par contre, le cargo
Andutz Mendi de Sota Aznar reçoit plusieurs obus du sous-marin. L'équipage
parvient à mettre les canots à la mer pour gagner les Saintes Maries de la Mer.
Sur les 35 marins, dix morts et dix disparus en mer. Une chaloupe et les dix
corps ne seront pas retrouvés, probablement happés par l’hélice du bateau.
Le journal L’Eclair
relate les faits dans son édition du 31 juillet : « Il
serait vain d’essayer de décrire en détail l’état du pont supérieur, des ponts
inférieurs, des cales, de la plage arrière, des machines et de la chaufferie.
C’est un amas de ferraille, de débris, de tôles, de cordage métalliques… le
tout déchiqueté par le tir, tordu, cisaillé et ensuite calciné par le
feu. »
L’Ouest-Eclair daté du lendemain,
on pouvait lire : "Nîmes, 30 juillet. — Le cargo espagnol Andutz Mendi, qui est le bateau
gouvernemental incendié au large du Grau-du-Roi, avait un équipage de 34 personnes.
Il ne transportait pas de réfugiés et avait une cargaison de charbon qui a aidé
l'incendie à se propager. L'incendie a été circonscrit par les pêcheurs de
Grau-du-Roi. Le bombardement a fait plusieurs morts. Deux cadavres ont été
débarqués, celui d'un matelot qui a été décapité par un obus alors qu'il allait
arborer le drapeau blanc, et celui du capitaine en second. Le gouvernail a été
coupé par des projectiles et la chambre des machines atteinte. Parmi les
disparus, on compte six officiers qui avaient pris place sur une chaloupe. »
Au « Républicain du
Gard » proche des Républicains espagnols on pense que parmi les baigneurs
de la plage, des espions à la solde des franquistes (appelés ici insurgés)
alertent les navires de guerre pour s’attaquer aux bateaux gouvernementaux
c’est-à-dire républicains espagnols. En France la version officielle et embarrassée est que l’Andutz
Mendi était dans les eaux internationales, ce qui était faux. Pour les
enquêteurs français, le tir a commencé à la limite des eaux territoriales françaises
puis s'est poursuivi à l'intérieur de celles-ci.
Que faisaient donc
l’Andutz Mendi et ce sous-marin franquiste si proches de nos côtes ? Le
navire républicain se dirigeait probablement vers Odessa en Ukraine, via Marseille. On dit, légende peut-être pas, on dit que les navires républicains
chargés d’or et de marchandises partaient vers Moscou et revenaient en Espagne
avec des armes, tanks pour soutenir la République Espagnole. Les franquistes pour
leur part, étaient en relation avec l’Italie.
Mussolini avait donné deux sous-marins à l’Espagne franquiste : le
Torricelli rebaptisé General Sanjurgo et l’Archimède devenu le General Mola. Ce
serait ce dernier qui aurait torpillé l’Andutz Mendi.
Les archives historiques
de la Banque d’Espagne ont depuis décembre 1956, un document, le dossier Romulo
Negrin. Registres comptables, comptes de l’opération, comptes bancaires du
Trésor de la République espagnole à l’étranger, l’or fondu par l’Etat
Soviétique. Il est probable que les historiens en apprendront plus d’ici
quelques années. A moins que le lourd secret d’Etat enterre tout cela !! A
première vue, le navire ne transportait pas d’or ou de devises. Que renfermaient donc ses cales pour qu'on prenne le risque d'un torpillage en zone non-internationale ? Un inconnu était à bord ; espion, personnalité espagnole, comptable du gouvernement républicain ?
Un ancien pêcheur nous raconte ce qu’il a
vu et vécu :
"J'avais 17 ans à
l'époque et je pêchais avec mon père Dominique, en qualité de novice alors qu'il
était patron du Saint-Christophen. Le 29 juillet 1937, nous étions au
large de l'Espiguette, sur des fonds de 35 brasses, en train de retirer le
chalut avec difficulté. C'est alors que nous avons aperçu, à une dizaine de
mètres de notre embarcation, le périscope d'un sous-marin. Un peu plus tard,
nous avons entendu quatre ou cinq coups de canon tirés par le sous-marin. À
environ 4 milles marins, nous avons vu de la fumée qui sortait d'un cargo. La
pêche finie, nous sommes rentrés au port où nous avons constaté que tous les
bateaux étaient sortis. À notre tour, nous avons fait route pour rejoindre les
autres bateaux de pêche sans trop savoir ce qui arrivait. À l'arrêt à proximité
du cargo, nous avons pu constater l'impact des trous d'obus dans la coque
visible au-dessus de la ligne de flottaison. Nous avons participé au remorquage
du bateau jusqu'à environ 2 km de l'entrée du port du Grau-du-Roi. Quelque
temps plus tard, quatre bateaux de pêche graulens, le Saint-Christophe, le
Sauveur du monde, Les Cinq frères et les Cinq sœurs ont remorqué le bateau très
endommagé jusqu'à Sète. J'avais appris entre-temps qu'il y avait de nombreux
morts dont certains ont été enterrés au cimetière du Grau-du-Roi. Dans les
semaines qui ont suivi, en chalutant sur le secteur du drame, nous avons récupéré
un obus dans le filet, trouvaille que nous avons signalée aux autorités
maritimes. Celles-ci ont dépêché une vedette venue spécialement de Toulon pour
récupérer l'obus. Aujourd'hui, je conserve à mon domicile en souvenir la
douille d'un des obus qui avait été tiré sur l'Andutz-Mendi." Midilibre 29-10-2012-récit
de Jean Mastrangelo
Le
pont de l’Andutz Mendi après l’attaque, à droite un pêcheur enveloppe un corps-
photo archive Denis Pierre Gozioso
Les pêcheurs du Grau du
Roi portent secours aux marins espagnols. « Le Petit Jésus » resta
sur les lieux jusqu’à 9 h du matin au milieu des débris, sauvant trois matelots
qui avaient passé plus de 16 heures dans l’eau. Le capitaine et onze hommes ont
pu débarqués sains et saufs sur la place des Saintes-Maries-de la Mer. Les
bateaux de pêche du Grau du Roi vont remorquer l’épave jusqu’à Sète.
Le bateau « Les
Trois Frères » a récupéré une partie des corps des victimes sur le pont de
l’Andutz Mendi, dix corps dont celui d’un inconnu. Ils seront inhumés dans le
cimetière du Grau, accompagnés des prières de tous. On voit sur la stèle deux
jeunes garçons, 15 et 16 ans.
Ils seront vite
oubliés ; la guerre entre la Chine et le Japon s’intensifie, et la seconde
guerre mondiale n’est pas loin en ce juillet 1937.
En 1940, après réparations
l’Andutz Mendi prendra le nom de Monte Buitre et naviguera jusqu'à sa
démolition en 1962. Le gouvernement espagnol va mettre un certain temps à
accepter de venir commémorer cet événement à chaque anniversaire.
Des historiens (Paul Preston, B Pelistrandit et d'autres) parlent de guerre d'extermination, d'un "holocauste, d'un programme de massacre systématique""d'explosion de violence physique qui dura toute la guerre, violence profondément enracinée dans les pratiques militaires" et dont l'Espagne n'a pas encore fait le deuil.
Un voile de mystère flotte toujours sur cet épisode. Parfois dans les conversations, on reparle de l'or de Moscou, sans trop savoir qu'en penser !!
Des historiens (Paul Preston, B Pelistrandit et d'autres) parlent de guerre d'extermination, d'un "holocauste, d'un programme de massacre systématique""d'explosion de violence physique qui dura toute la guerre, violence profondément enracinée dans les pratiques militaires" et dont l'Espagne n'a pas encore fait le deuil.
Un voile de mystère flotte toujours sur cet épisode. Parfois dans les conversations, on reparle de l'or de Moscou, sans trop savoir qu'en penser !!
1977
– stèle érigée à l’initiative de Jean-Pierre Bas, conseiller municipal du Grau –
Sources : Christian Mouquet BlogThis!Partager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libellés : Anduzt-Mendi, Espagne, Italie - Blog
maitres-du-vent.blogspot.fr - j.segura@gazetttede nimes.fr Gazette de
Nîmes n°947 27 juillet 2017 – Lamarseillaise.fr 31 juillet 2014 11:33 -
fr1-11-2017 - Midilibre 29-10-2012 –
Bernard Lagarrigue Un été 37 édit Domens
- Association pour le Souvenir de
l’Exil Républicain Espagnol en France ASEREF -
wikipedia.org/wiki/Or_de_Moscou - archives-maritimes.blogspot.com/2011/08/ -
Carmen Montet L’Or de la Banque d’Espagne lithistart.carmenmontet.over-blog.com - Pierre
Vilar, Histoire
de l'Espagne, PUF,
coll. « 2002 » (ISBN 2130515851) - François Godicheau,
La Guerre d'Espagne :
République et révolution en Catalogne (1936-1939), Odile Jacob, 2004
- A relire André Malraux, L'Espoir, Gallimard (ISBN 2070360202) - Ernest Hemingway, Pour qui sonne le
glas ? (ASIN B0000DV9LG)
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