dimanche 26 novembre 2017

L'Andutz Mendi et l'Or de Moscou 1937



L’Andutz Mendi – ou l’or de Moscou :

Au large du Grau du Roi et de la plage de l’Espiguette, le 29 juillet 1937 vers 15 h, un cargo républicain espagnol est torpillé par un sous-marin inconnu. Le navire se trouve à trois mille nautiques (5,5km) au sud du phare de l’Espiguette. La guerre d’Espagne s’invite sur nos côtes.
Le pétrolier et le ravitailleur qui l’escortaient échappent à l’assaut. Ces navires avaient été contrôlés par le sous-marin français Thétis le matin même au large de Port Vendres et autorisés à poursuivre leur route. Les pétroliers Zorroza de la Cia Arrendataria del Monopolio de Petroleos SA et Saustan ex Vallejo de la Cia Arrendataria del Monopolio de Petroleos SA  peuvent s'échapper et se réfugier à Sète.
Par contre, le cargo Andutz Mendi de Sota Aznar reçoit plusieurs obus du sous-marin. L'équipage parvient à mettre les canots à la mer pour gagner les Saintes Maries de la Mer. Sur les 35 marins, dix morts et dix disparus en mer. Une chaloupe et les dix corps ne seront pas retrouvés, probablement happés par l’hélice du bateau.

Le journal L’Eclair relate les faits dans son édition du 31 juillet : « Il serait vain d’essayer de décrire en détail l’état du pont supérieur, des ponts inférieurs, des cales, de la plage arrière, des machines et de la chaufferie. C’est un amas de ferraille, de débris, de tôles, de cordage métalliques… le tout déchiqueté par le tir, tordu, cisaillé et ensuite calciné par le feu. »
L’Ouest-Eclair daté du lendemain, on pouvait lire : "Nîmes, 30 juillet. — Le cargo espagnol Andutz Mendi, qui est le bateau gouvernemental incendié au large du Grau-du-Roi, avait un équipage de 34 personnes. Il ne transportait pas de réfugiés et avait une cargaison de charbon qui a aidé l'incendie à se propager. L'incendie a été circonscrit par les pêcheurs de Grau-du-Roi. Le bombardement a fait plusieurs morts. Deux cadavres ont été débarqués, celui d'un matelot qui a été décapité par un obus alors qu'il allait arborer le drapeau blanc, et celui du capitaine en second. Le gouvernail a été coupé par des projectiles et la chambre des machines atteinte. Parmi les disparus, on compte six officiers qui avaient pris place sur une chaloupe. »

L’Andutz Mendi remorqué par les pêcheurs du Grau –photo archive Denis Pierre Gozioso
Au « Républicain du Gard » proche des Républicains espagnols on pense que parmi les baigneurs de la plage, des espions à la solde des franquistes (appelés ici insurgés) alertent les navires de guerre pour s’attaquer aux bateaux gouvernementaux c’est-à-dire républicains espagnols. En France la version officielle et embarrassée est que l’Andutz Mendi était dans les eaux internationales, ce qui était faux. Pour les enquêteurs français, le tir a commencé à la limite des eaux territoriales françaises puis s'est poursuivi à l'intérieur de celles-ci.

Que faisaient donc l’Andutz Mendi et ce sous-marin franquiste si proches de nos côtes ? Le navire républicain se dirigeait probablement vers Odessa en Ukraine, via Marseille. On dit, légende peut-être pas, on dit que les navires républicains chargés d’or et de marchandises partaient vers Moscou et revenaient en Espagne avec des armes, tanks pour soutenir la République Espagnole. Les franquistes pour leur part,  étaient en relation avec l’Italie. Mussolini avait donné deux sous-marins à l’Espagne franquiste : le Torricelli rebaptisé General Sanjurgo et l’Archimède devenu le General Mola. Ce serait ce dernier qui aurait torpillé l’Andutz Mendi.
Les archives historiques de la Banque d’Espagne ont depuis décembre 1956, un document, le dossier Romulo Negrin. Registres comptables, comptes de l’opération, comptes bancaires du Trésor de la République espagnole à l’étranger, l’or fondu par l’Etat Soviétique. Il est probable que les historiens en apprendront plus d’ici quelques années. A moins que le lourd secret d’Etat enterre tout cela !! A première vue, le navire ne transportait pas d’or ou de devises. Que renfermaient donc ses cales pour qu'on prenne le risque d'un torpillage en zone non-internationale ? Un inconnu était à bord ; espion, personnalité espagnole, comptable du gouvernement républicain ? 


Un ancien pêcheur nous raconte ce qu’il a vu et vécu :
"J'avais 17 ans à l'époque et je pêchais avec mon père Dominique, en qualité de novice alors qu'il était patron du Saint-Christophen. Le 29 juillet 1937, nous étions au large de l'Espiguette, sur des fonds de 35 brasses, en train de retirer le chalut avec difficulté. C'est alors que nous avons aperçu, à une dizaine de mètres de notre embarcation, le périscope d'un sous-marin. Un peu plus tard, nous avons entendu quatre ou cinq coups de canon tirés par le sous-marin. À environ 4 milles marins, nous avons vu de la fumée qui sortait d'un cargo. La pêche finie, nous sommes rentrés au port où nous avons constaté que tous les bateaux étaient sortis. À notre tour, nous avons fait route pour rejoindre les autres bateaux de pêche sans trop savoir ce qui arrivait. À l'arrêt à proximité du cargo, nous avons pu constater l'impact des trous d'obus dans la coque visible au-dessus de la ligne de flottaison. Nous avons participé au remorquage du bateau jusqu'à environ 2 km de l'entrée du port du Grau-du-Roi. Quelque temps plus tard, quatre bateaux de pêche graulens, le Saint-Christophe, le Sauveur du monde, Les Cinq frères et les Cinq sœurs ont remorqué le bateau très endommagé jusqu'à Sète. J'avais appris entre-temps qu'il y avait de nombreux morts dont certains ont été enterrés au cimetière du Grau-du-Roi. Dans les semaines qui ont suivi, en chalutant sur le secteur du drame, nous avons récupéré un obus dans le filet, trouvaille que nous avons signalée aux autorités maritimes. Celles-ci ont dépêché une vedette venue spécialement de Toulon pour récupérer l'obus. Aujourd'hui, je conserve à mon domicile en souvenir la douille d'un des obus qui avait été tiré sur l'Andutz-Mendi."  Midilibre 29-10-2012-récit de Jean Mastrangelo








Le pont de l’Andutz Mendi après l’attaque, à droite un pêcheur enveloppe un corps- photo archive Denis Pierre Gozioso

Les pêcheurs du Grau du Roi portent secours aux marins espagnols. « Le Petit Jésus » resta sur les lieux jusqu’à 9 h du matin au milieu des débris, sauvant trois matelots qui avaient passé plus de 16 heures dans l’eau. Le capitaine et onze hommes ont pu débarqués sains et saufs sur la place des Saintes-Maries-de la Mer. Les bateaux de pêche du Grau du Roi vont remorquer l’épave jusqu’à Sète.

Le bateau « Les Trois Frères » a récupéré une partie des corps des victimes sur le pont de l’Andutz Mendi, dix corps dont celui d’un inconnu. Ils seront inhumés dans le cimetière du Grau, accompagnés des prières de tous. On voit sur la stèle deux jeunes garçons, 15 et 16 ans.

Ils seront vite oubliés ; la guerre entre la Chine et le Japon s’intensifie, et la seconde guerre mondiale n’est pas loin en ce juillet 1937.
En 1940, après réparations l’Andutz Mendi prendra le nom de Monte Buitre et naviguera jusqu'à sa démolition en 1962. Le gouvernement espagnol va mettre un certain temps à accepter de venir commémorer cet événement à chaque anniversaire. 
Des historiens (Paul Preston, B Pelistrandit et d'autres) parlent de guerre d'extermination, d'un "holocauste, d'un programme de massacre systématique""d'explosion de violence physique qui dura toute la guerre, violence profondément enracinée dans les pratiques militaires" et dont l'Espagne n'a pas encore fait le deuil. 
Un voile de mystère flotte toujours sur cet épisode. Parfois dans les conversations, on reparle de l'or de Moscou, sans trop savoir qu'en penser !!
1977 – stèle érigée à l’initiative de Jean-Pierre Bas, conseiller municipal du Grau –



Sources : Christian Mouquet  https://resources.blogblog.com/img/icon18_edit_allbkg.gifBlogThis!Partager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libellés : Anduzt-Mendi, Espagne, ItalieBlog maitres-du-vent.blogspot.fr - j.segura@gazetttede nimes.fr Gazette de Nîmes n°947 27 juillet 2017 – Lamarseillaise.fr  31 juillet 2014 11:33 - fr1-11-2017  - Midilibre 29-10-2012 – Bernard Lagarrigue Un été 37 édit Domens  -  Association pour le Souvenir de l’Exil Républicain Espagnol en France ASEREF -  wikipedia.org/wiki/Or_de_Moscou  - archives-maritimes.blogspot.com/2011/08/ - Carmen Montet L’Or de la Banque d’Espagne lithistart.carmenmontet.over-blog.com  - Pierre Vilar, Histoire de l'Espagne, PUF, coll. « 2002 » (ISBN 2130515851)  - François Godicheau, La Guerre d'Espagne : République et révolution en Catalogne (1936-1939), Odile Jacob, 2004  - A relire André Malraux, L'Espoir, Gallimard (ISBN 2070360202)  -  Ernest Hemingway, Pour qui sonne le glas ? (ASIN B0000DV9LG)  -- 



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