Le Grand Tour de Charles IX en
Languedoc :
Toute ressemblance avec des événements récents serait indépendante de notre volonté !!!
Charles IX (juin 1550-mai1574) est roi de France de 1560 à 1574. Il est le
fils de feu Henri II (celui qui est tué accidentellement lors de joutes) et de Catherine
de Médicis. Il succède à son frère François II. Il a 10 ans à son couronnement,
sa mère sera régente jusqu’à sa majorité en février1563. Catherine, tête
froide, énergique et intelligente va gouverner aux noms de ses fils avec une
constante politique de rechercher le retour de la paix. Il est évident qu’elle
aime le pouvoir, machiavel en jupon.
Le règne de Charles va être ensanglanté par les Guerres de Religion qui
divisent le royaume entre catholiques et protestants, que l’on appelle
« réformés » car de la religion réformée. Il semble avoir joué un
rôle important dans le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572.
Son début de
règne est marqué par des essais d’ententes entre les deux camps, entrecoupés
par des massacres, des assassinats. Le pays est pris en otage par des factions
politiques et les groupes religieux extrémistes. La paix d’Amboise en mars 1563
ne satisfait personne mais donne un peu d’air au royaume.
Le petit
Charles va assister à de nombreuses tractations politiques, sans résultat de
paix durable. Adolescent il se réfugie dans les activités sportives et fuit
l’exercice du pouvoir, préférant chasser. Le Grand Tour de France décidé par sa
mère Catherine de Médicis essaiera de l’intéresser à son métier. Ce Grand Tour n'est pas une nouveauté : de tout temps, les rois, les seigneurs faisaient le tour de leurs fiefs pour raviver les esprits. Un droit féodal d'ailleurs existait : le droit d'albergue, soit le droit d'être logé, nourri trois jours par an ou un certain nombre de jours selon le lieu par son vassal.
Le départ du
voyage est fixé au 24 janvier 1564. L’itinéraire, la fin du périple sont
approximatifs. Les incertitudes quant à la paix des provinces et la bonne
volonté des villes font qu’on laisse une place à l’improvisation. Les risques
sont évidents, peu de renseignements sur le comportement des foules, des
seigneurs locaux, sur les désordres, les réactions soudaines…
On commence
par faire la fête : la Cour soit 2000 personnes environ se transporte
d’abord du Louvre au palais de Fontainebleau. Pendant 40 jours on se prépare
dans un tourbillon de fêtes.
Le 13 mars 1564 débute vraiment le Grand Tour, organisé par Catherine de
Médicis, la reine mère. Il s’agit de faire connaître son royaume au roi et de le
faire connaître à ses sujets. Par la même occasion il permet de rencontrer et
de battre le rappel des Grands et moins Grands du royaume, de voir jusqu’où l’on
peut compter sur eux, bref on reprend la main sur les villes les plus agitées. Le pays vient
d’être ravagé par la première guerre de religion. Il
y en aura d’autres jusqu’en 1629. ... Il faut affirmer la puissance royale
par une mise en scène digne de fouetter les esprits. L’unité du royaume doit se
faire autour du roi. Ce sera aussi une heureuse façon d’occuper et de distraire
la Cour où des proches du roi ont un gros appétit de pouvoir. La famille
régnante montrera aussi qu’elle est bonne catholique en dépit de ses appels à
modération contre les protestants.
Dans chaque ville ou village les «entrées royales» coûtent cher. Mais elles
permettaient au souverain de montrer sa puissance, tandis que les autorités
municipales devaient, à leur frais, répondre aux rêves de leurs administrés par
des pompes majestueuses et variées. Les villes seront certainement ruinées sur
plusieurs années, mais les habitants à chaque détour du passage du cortège sont
éblouis, subjugués et peuvent penser qu’ils ne sont pas ignorés des Grands. Le
peuple n’avait jamais vu telle chose : des chevaux par milliers, carrosses
rutilants, grandes tenues des cavaliers, le roi même aperçu de loin… Les gens des
alentours plusieurs jours avant le passage se mettaient en route pour pouvoir
apercevoir le cortège. Publicité, propagande ? Du grand Catherine à coup
sûr.
4000 kilomètres sur des zones
périphériques du pays, d’abord l’Est jusqu’en Provence, le Languedoc, l’Ouest
jusqu’à l’océan atlantique, puis le Val de Loire et le Bourbonnais. Le retour à
Paris est envisagé pour mai 1566. Le roi et sa mère chacun dans son carrosse,
le chancelier Michel de L’Hospital qui espère beaucoup de ce voyage.
(Catherine de Médicis et ses enfants en 1561,
François, Charles, Marguerite et Henri-par François Clouet)
Le carrosse de
la reine-mère est tiré par six chevaux, aussi vaste qu’une chambre, tendu de
velours vert avec banquettes et coussins. La reine disposait aussi de deux
litières dorées de parade, couvertes et peintes de devises, portées par quatre
mules chacune. Six magnifiques coursiers accompagnent sa majesté pour le cas où
elle aurait besoin de se défouler. Elle faisait suivre son lit démontable, son
linge de soie, sa garde-robe, sa vaisselle, ses bassins…sans oublier les
confitures de madame. Du matériel destiné aux tournois, et un arsenal de
déguisements pour les fêtes. Ses chiens avaient aussi leur confort. Elle avait
aussi prévu cinq médecins, cinq officiers des cuisines, cinq sommeliers et des
musiciens, « violons sous le bras
et les pieds dans la poussière » nous dit un chroniqueur..
Chacun de ses enfants avait sa suite personnelle, sa « maison ».
Plusieurs centaines de domestiques et de palefreniers faisaient partie du
convoi. Quatre compagnies d’infanterie, une compagnie de chevau-légers et un
régiment de Gardes Françaises veillaient à la sécurité contre les bandits
attirés par les chariots. La reine-mère n’avait pas oublié son escadron volant,
Mata Hari avant l’heure, jeunes femmes qui par toutes sortes d’influence
surprenaient les secrets d’état, parfois sur l’oreiller, pour le compte de la
reine.
A tout cela s’ajoutaient greffiers, secrétaires, moines, confesseurs,
pages. Un peu près 15 000 chevaux et mulets, des chariots pour les
bagages, des carrosses sur les routes dans les provinces les plus reculées du
royaume. Des jeunes nobles caracolant aux portières des litières où se trouvaient
les dames …. Le convoi avançait suffisamment lentement pour lier conversation.
On s’embourbait souvent, les routes et chemins n’étaient pas goudronnés à cette
époque !!
Se loger à chaque étape était un vrai problème. Dans les grandes villes
le roi dormait chez le plus riche bourgeois qui devait aller se loger ailleurs.
Parfois il logeait dans des auberges ou à l’évêché. Les grands seigneurs de la
cour envoyaient bien avant l’arrivée à l’étape un domestique pour trouver un logement
pour ne pas dormir dehors.
On commence
par Bar-le-Duc capitale du duché de Bar : au duché de Lorraine, diplomatie
oblige, le roi avec un autre roi Philippe II d’Espagne, tous deux deviennent
parrains du jeune Henri 6 mois fils du duc de Lorraine Charles III, époux de
Claude sœur du roi de France. Le roi d’Espagne et des Pays-Bas se fait
représenter par le comte de Mansfeld gouverneur du duché de Luxembourg voisin. A
Troyes le 11 avril le roi signe un traité avec l’Angleterre qui renonce définitivement
à Calais. Le Havre est restitué.
Le périple va
continuer, Dijon, Mâcon, Roussillon, Valence…..Avignon dans les Etats
pontificaux. A Dijon cinq jours de tournois organisés par le gouverneur de la
province. A Macon, le cortège est accueilli par des demoiselles en costumes
bleu ciel représentant les nymphes de la Saône et du Rhône. A Lyon en juin des
fêtes encore plus splendides, un accueil chaleureux malgré le nombre de
réformés de la ville. Le roi et sa mère loge chez un riche bourgeois Pierre
Teste. Il fait des déplacements dans la région, Saint Genis Laval, Crémieux…En
juillet on part vite vers les étapes suivantes, la peste a fait son apparition
à Lyon. Mais avant, par un décret daté de Lyon du 24 juin 1564 il
« interdit la religion réformée dans les lieux de résidence royale ».
Toujours s’affirmer en soufflant le chaud et le froid.
Dans le
château de Roussillon, Charles IX signe l’édit de Roussillon qui instaure dans
un article le 1er janvier comme le premier jour de l’année dans tout
le royaume de France. Il renouvelle ainsi un édit de janvier 1563. Le roi est
fatigué, malade. On se demande si le voyage va continuer.
Charles IX quitte
le royaume pour la seconde fois après le duché de Lorraine en pénétrant dans le
Comtat Venaissin, par Bollène le 21-22 septembre 1564. Caderousse où il dort,
Mondragon, Mornas où il dine….Sorgues ou Pont-de-Sorgues où il passe la nuit et
y dîne le lendemain dans le palais d’été des Papes de la ville le 23-24
septembre.
Le roi fait
son entrée à Avignon le 24 septembre et y reste jusqu’au 16 octobre. Le légat
pontifical Alexandre Farnèse l’accueille. Visite touristique du Palais des
Papes, cérémonies diverses, fête de la Saint Michel…. Il découvre notre mistral
qui « élevaient des pierres de la taille d’une noix jusqu’au visage ».
Pour quitter Avignon, il travers la Durance sur un pont de bateau que l’on
avait construit pour l’occasion.
Il retrouve
son royaume, Saint-Rémy, Châteaurenard, Salon-de-Crau (Salon-de-Provence) le
17-18 octobre. Salon-de-Provence
où la reine mère retrouve son astrologue Nostradamus qu’elle va nommer médecin
et conseiller du roi… Elle le présente au roi et le mage lui prédit qu’il vivra
jusqu’à 90 ans !!!
Aix en Provence, Saint-Maxime,
Brignoles, ….Hyères pour la Toussaint 1564, Toulon, Marseille… A Aix du 19 au
24 octobre 1564, le roi est accueilli par la Cour des Comptes. La ville est
capitale de la province de Provence et est archiépiscopale. Elle est surtout en
révolte contre le gouverneur, jugé trop tolérant avec les protestants. Le 23 il
fait abattre le pin d’Eguilles où le parti catholique avait fait pendre de
nombreux protestants les années précédentes. Michel de L’Hospital exhorte les
Aixois à plus de tolérance religieuse comme le souhaitent le roi et la
reine-mère, en vain semble-t-il.
A Brignoles le 25-27 octobre il arrive dans la nuit à deux
heures et demie. Le lendemain il fait son entrée officielle et fait présenter
la collation aux demoiselles de la ville qui dansent devant lui la volte et la
martingale. A Cuers les jours suivants il découvre une très grande abondance
d’orangers, de palmiers, de poivriers…. Il reste 5 jours à Hyères. Le 30
octobre il dîne au fort de Brégançon.
En novembre le roi découvre Toulon et la
mer. Charles IX et sa suite sont logés à Toulon, ses soldats vont loger à
Ollioules. Le marquis René II d’Elbeuf l’emmène pour une promenade en mer. La
ville d’Ollioules lui offre un oranger. Les comptes de la ville ont gardé la
trace de l’achat de l’oranger, le prix des planches pour la fabrication de la
caisse destinée à le transporter ainsi que la dépense pour l’envoyer à
Marseille par mer. Nous y découvrons aussi la dépense pour réparer les routes
avant l’arrivée du cortège royal.
Le roi s’intéresse de près aux chantiers
navals et à la navigation des galères négligés, par ses prédécesseurs.
Le Tour de France continue par Aubagne,
Marseille le 6 au 13 novembre 1564. L’accueil est délirant nous disent les
chroniques. On baptise une galère Charlotte-Catherine. Trente et un an avant, le
navire de la petite Catherine de Médicis, nièce du pape Clément VII avait
abordé sur ces quais. Le 10 novembre
Charles s’embarque sur la galère La Réale ( ?est-ce le bon patronyme),
escortée par treize autres galères pour aller dîner au château d’If. Mais
difficile d’accoster et le roi doit dîner sur son bateau. Un spectacle
l’attendait : les galères se séparèrent en deux et miment un combat. Sous le
règne de son grand-père François 1er nous passons de 23 à 48
galères ; en 1561 plus que 18. Ce roi attachait une grande importance à la
force navale, les barbaresques écumant nos côtes. Le déclin se poursuivra
jusqu’à Richelieu. Ces bâtiments étaient très fragiles et coûteux en entretien.
Le gouvernement préférait les louer lorsqu’il en avait besoin.
Après Marseille, Marignane pour dormir
et dîner, Martigues le 14-15 novembre où le roi excursionne sur l’étang de
Berre. Puis Arles après Saint-Martin de Crau. Le Rhône et ses grandes eaux
d’automne oblige le cortège à rester 21 jours jusqu’au 7 décembre. Il visite
les ruines gréco-romaines.
Tarascon la catholique et Beaucaire son
vis-à-vis de l’autre côté du Rhône, la protestante du 7 au 11 décembre :
il faut faire passer les équipages de la Cour avec des bateaux et beaucoup de
difficultés, on se l’imagine bien.
Puis le Languedoc :
Le roi pénètre en Languedoc le 11 décembre 1564 en traversant le Rhône à la
hauteur de Tarascon et Beaucaire. Il va visiter cette province jusqu’au 21 mars
1565, un peu plus de trois mois. Il dîne à Beaucaire et va se coucher à Sernhac
(Sarignac). Il semble que n’y trouvant pas de logis à sa convenance, il passa
la nuit dans sa voiture dans une cour d’auberge, entouré de ses gardes
sommeillant à la belle étoile. Son grand-père François 1er en 1535
se logea à l’auberge du Cheval Blanc de Sernhac en revenant de Toulouse et
avant de se rendre à Saint Privat chez Jacques de Faret. Déjà toute la Cour
l’accompagnait, sa femme Eléonore d’Autriche fille de Charles Quint, ses
enfants….. Sarignac était un village de 180 feux en 1566 d’après Abel Jouan.
Puis le cortège prend la route du Pont du Gard où l’attendait la fine fleur
de l’aristocratie de l’Uzège au château de Saint-Privat.
Le 12 décembre il visite le fameux aqueduc. Dans le cortège, se côtoient le
futur Henri III, Henri de Navarre le futur Henri IV, les cardinaux de Bourbon
et de Guise, le duc de Longueville, le connétable de Montmorency….et l’escadron
d’honneur de la reine-mère.
Le comte Antoine de Crussol, bientôt duc d'Uzès en 1565, rend hommage
au roi et offre un banquet. Son épouse
Louise de Clermont comtesse de Tonnerre avait été dame de compagnie de
Catherine de Médicis. (Antoine de Crussol était
encore suzerain de Saint-Privat, ayant vendu la moitié du château et du domaine
à Jacques Faret contre mille écus d’or avec moyenne et basse justice)
A la mode du moment, une collation de fruits confits et de sucreries est
servie par des jeunes filles du pays, en costume de nymphe, sortant tout à coup
des grottes voisines. Une féérie qui dérida les spectateurs et qui fit oublier
un temps les antagonismes et les drames des guerres de religion.
Le 13 le cortège est à Nîmes, puis Vauvert du 14 au 15, Aigues-Mortes où on
dîne et couche. A Nîmes les Réformés viennent se plaindre des tracasseries du
gouverneur qui sera désavoué par le roi. Tout au long du voyage on essaie de
ménager les uns et les autres, les ferments de la guerre civile sont toujours
là.
Montpellier du 16 au
30 décembre. La peste a sévit en juillet. Les habitants divertissent le
roi de danse devant son logis avec des danseurs masqués tenant des arceaux
fleuris et des musiciens. Le 25, le roi assiste à la fête de Noël. Une
procession générale est organisée à sa demande expresse : tous les
habitants de la ville devaient être présents sous peine d’une amende de 100
livres !! Dans un premier temps les protestants refusent d’y participer. Le
journal de l’époque « Le Petit Thalamus » indique que les réformés
seront autorisés à ne pas tapisser, orner leurs fenêtres, balcons, leurs
maisons. Le « journaliste » raconte que la suite royale comprend «la royne sa mere, Catherine de Médicis, nombre grand
de cardinaulx, notamment les cardinaux de Bourbon et de Guise, mais aussi Henri
prince de Navarre, que l’on dit de la novelle religion, filz de la royne de
Navarre vefve (Jeanne d’Albret, veuve d’Antoine de Bourbon), lui aussi fort
jeune puisque tout juste âgé de 11 ans, Le chroniqueur
nous signale la présence
du vieil Anne de Montmorency, connétable, et celle de son fils, le gouverneur,
Henri de Montmorency Dampville, qui ne fut fait maréchal de France, comme son
père, que plus tard. En revanche, il omet le chancelier Michel de L’Hospital.
Ci-après le texte du chroniqueur
Avant l’entree dudict
seigneur en la | ville
que feust par la porte Sainct
Gilly luy |
feust dressé au jardrin du seigneur de Villeneufve, | gouverneur de
Montpellier, une grand lotge ou |
reppousoir[b] richement tapissé ou
toutz les estatz | de
la ville l’allarent salluer et faire la reverence | et hobeyssance, d’illec ce
achemynantz tretoutz[c] scellon | leur ranc et ordre au devant du roy
a cheval | les
plus dignes estantz les derniers et plus | proches de sa mageste, comme les universités | de medecine, du droict, le siege presidial | et du gouvernement,
la chambre dez comptes et | court
des aydez, la derniere vesteue d’escarlate, | toutz en belle ordonnance.
Appres vinrent la | mayson
du roy, sa garde, ses trompetes et |
clairons, le grand escuyer l’espee ranchee | et sa parsonne soubz ung pavilhon de | vellours cramoisin rouge couvert de riche | broderie d’argent
pourté par les six consulz |
estantz a pied teste nue, suyvy en appres ledict | seigneur
par plusieurs cardinaulx, princes et | grandz seigneurs despuis ladicte porte Sainct | Gille,
passant par la rue de la
Guillerie, la | lotge
et consollat
jusques au lotgis dudict seigneur | ordonné en la mayson dicte de
Boutonet, __
[Fol. 541 r°]
__ assize a La Pierre, estoient les rues richement tappissees | et couvertes de thoilles par dessus et sur l’entree au lieu | dict la poincte a l’arc Sainct Nicholas a la lotge au | consollat et a La Pierre, dressés de charpenterie devers | arcz triumphantz, portaulx et piramides enrichis de | plusieurs pinctures, figures, represantations en bosse | et tableaulx de diverse invention[d] acompaignés | de plusieurs vers eppigrammes grecz, latins et | francoys, et feust pour present donné au roy ung | ymage de roy mays son scepte tenant ung pied en | terre et aultre en mer, tout d’or massif de la | valleur de mil escutz, et a la royne une montaigne | d’or complantee d’olliviers et d’oraigiers[e] tres beau de | valleur de cinq centz escutz. Ledict seigneur, | ayant demeuré audictMontpellier jusques au dernier | jour dudict decembre, s’en partist prenant son chemin | devers Tholose, Bordeaulx et Bayonne, ou la royne | d’Espaigne, sa seur, le vint trouver et visiter.
[Fol. 541 r°]
__ assize a La Pierre, estoient les rues richement tappissees | et couvertes de thoilles par dessus et sur l’entree au lieu | dict la poincte a l’arc Sainct Nicholas a la lotge au | consollat et a La Pierre, dressés de charpenterie devers | arcz triumphantz, portaulx et piramides enrichis de | plusieurs pinctures, figures, represantations en bosse | et tableaulx de diverse invention[d] acompaignés | de plusieurs vers eppigrammes grecz, latins et | francoys, et feust pour present donné au roy ung | ymage de roy mays son scepte tenant ung pied en | terre et aultre en mer, tout d’or massif de la | valleur de mil escutz, et a la royne une montaigne | d’or complantee d’olliviers et d’oraigiers[e] tres beau de | valleur de cinq centz escutz. Ledict seigneur, | ayant demeuré audictMontpellier jusques au dernier | jour dudict decembre, s’en partist prenant son chemin | devers Tholose, Bordeaulx et Bayonne, ou la royne | d’Espaigne, sa seur, le vint trouver et visiter.
« Je ne cherche qu’à conserver
la paix, paix extérieure et paix intérieure » explique Catherine de Médicis
à l’ambassadeur d’Espagne qui s’inquiète de la mansuétude du gouvernement
français vis à vis des protestants.
Le roi découvre les flamands dans les étangs de Villeneuve et Maguelonne.
Puis c’est Poussan, Florensac, Agde, Béziers les 3 et 4 janvier. A Poussan
dans le château de Montlaur des peintures murales ont été découvertes en 2007
racontant le passage de Charles IX dans le village.
Arrivé à Narbonne, une excursion et un saut jusqu’à la frontière espagnole
et un arrêt à Sigean et Leucate. Retour à Narbonne le 9 janvier, Narbonne où il
ne restera en fait que trois jours les 5,6,10 janvier.
Carcassonne -wikimédia.org |
Mons où il dort, et la cité de Carcassonne entre le 12 et 26 janvier 1565. Le cortège y reste bloqué par la neige pendant 14 jours dans la ville haute. Pour s’occuper, le petit roi fait construire des bastions en neige dans la cour du logis et dans d’autres endroits de la ville haute et dans la ville basse. Pages et laquais attaquent le bastion défendu par les gardes du roi et gagnent au bout de deux heures. Le roi joue à la bataille de neige pendant que sa mère et Michel de L’Hospital étudient les lettres de leurs ambassadeurs et préparent une éventuelle rencontre avec le roi d’Espagne. Le 22 le roi et sa mère peuvent enfin descendre dans la ville basse, La Bastide. L’accueil est fastueux : 1100 hommes en armes à pied et 500 cavaliers bordant de chaque côté les rues. Harangue du Premier Consul, puis défilent 500 cavaliers habillés en » sauvages » portant chacun un arc à la main droite et un carquois derrière l’épaule, nous raconte père Thomas Bouges en 1741. Puis Charles IX pénètre dans la Bastide précédé par le connétable de France Montgomery qui porte à la main l’épée nue du roi. Les hérauts d’armes sont précédés par des trompettes. Un enfant offre au souverain les clés de la ville. Salve d’artillerie, déambulation dans les rues décorées de tapisseries, d’arcs de triomphe. Pendant quatre jours les cérémonies se succèdent, affirmant la catholicité de la famille royale. On prie devant la relique du saint suaire….
Le roi finit par quitter Carcassonne le 26 janvier pour Montréal, le plus
ancien village à porter ce nom. Puis Villepinte et Castelnaudary du 28 au 30
janvier. François de Rougier baron de Ferrals reçoit le cortège royal en son
château de Ferrals près de Saint-Papoul. Il offre un dîner somptueux et
extraordinaire. Car après que l’on ait enlevé les tables, le plafond de la
salle et les combles s’ouvrent grâce à des machines et laissent passer la
lumière du jour ainsi qu’une pluie de dragées et d’eau de senteur. La Cour
qu’il est pourtant difficile à étonner, avoue que jamais on ne lui avait fait
de régal si magnifique.
Gâches,
dans ses Mémoires (Edition Pradel. Paris, Fischbacher, 1879, page 44), rend
compte du festin qui fut offert au roi et à la cour dans le château de Ferrals
: "Après les services levés pour donner l'eau naf (Parfum à
base de Beur d'oranger), voici paraître, au haut du plancher de la salle du
festin, une nuée suivie d'un éclair et d'un coup de tonnerre, qui fit sortir de
cette nuée une pluie d'eau naf, mêlée de dragées, en telle abondance que, pour
se garder de mouiller, il fallut porter les manteaux au Roi et à tous ceux du
festin ce qui lui donna un grand plaisir et à toute sa cour".
Autre récit par Auguste Ditandy dans Lectures variées sur le
département de l‘Aude 1875- :
"Le cortège du roi et celui de la reine mère étaient nombreux
et magnifiques. Les tambours, les fifres et les trompettes ouvraient la marche.
Puis, venaient les comtes de Brissac, de Charnay, de Villars et de Cypière,
gouverneurs des enfants de France, les pages, des maréchaux, des cardinaux,
enfin le roi, précédé du connétable de Montmorency, qui portait l'épée royale.
Charles IX avait à ses côtés le duc d'Anjou, son frère, et le jeune prince de
Navarre. Il était suivi des officiers de sa maison, tous vêtus de drap
d'or et de velours cramoisi, avec les marques et les symboles de leurs hautes
fonctions. Il avait jeté négligemment sur ses épaules un riche manteau blanc,
chargé de fleurs de lys d'or et orné d'une bordure de rubis mêlés d'étincelles.
Son blanc destrier était harnaché d'une housse de velours bleu céleste, presque
traînante, sur laquelle brillaient encore des fleurs de lys d'or. Près de lui
chevauchait un écuyer portant l'étendard de France. A l'approche des royaux
visiteurs, les fanfares retentirent, les cloches du beffroi sonnèrent, les
arquebuses envoyèrent leurs salves joyeuses, les ponts-levis s'abaissèrent et
la cour du manoir fut en un instant encombrée de gens et de chevaux. Au milieu
se trouvait dressé un arc de triomphe surmonté de quatre lances, soutenant des
draperies de pourpre à longues franges d'or; dans l'intérieur étaient étendus
de somptueux tapis. Charles IX et Catherine de Médicis descendirent de cheval
sous cette tente improvisée où les conduisit le baron de Ferrals, qui baisa avec
respect la main du jeune Sire. Les nobles hôtes furent reçus et traités
royalement. Le dîner fut splendidement servi. Après qu'on eut levé les tables,
le plafond de la salle s'ouvrit au moyen de machines. A l'instant les
innombrables lumières pâlirent. Des éclairs se succédant rapidement, dardèrent
une lueur livide sur les visages des convives saisis d'étonnement.
Le tonnerre, qu'on n'entendait d'abord que dans le lointain,
gronda bientôt au-dessus de leurs têtes. Il était porté sur un nuage épais et noirâtre
qui s'étendit lentement et plongea la salle dans une obscurité presque absolue.
Cependant, les éclairs redoublèrent ; une détonation assourdissante creva la
nue qui, paraissant alors tout en feu, laissa tomber une grêle de dragées,
suivie d'une pluie de senteur. Cette averse fut si abondante que le roi demanda
son manteau en s'écriant : Par Notre-Dame ! Je ne m'attendais pas à un
semblable orage dans cette rigoureuse saison. Après ce divertissement
dans le goût italien, dont la reine mère avait apporté la mode en France,
c'est-à-dire le soir même, la Cour partit pour Castelnaudary, où elle
coucha".
Le voyage repart après une nuit à Castelnaudary.
Puis c’est Toulouse du 31 janvier au 19 mars. La ville est tranquille, aux
mains des catholiques. Une véritable guerre de rues avait eu lieu en 1562
opposant une minorité protestante soutenue par quelques capitouls (consuls).
Montluc et son armée avait remis de l’ordre non sans mal et les pertes en vies
humaines avaient été importantes.
Le cortège est accueilli par des nymphes de la Garonne, au rythme des
poésies de Ronsard. Les notables, les corporations défilent suivant leur ordre
hiérarchique. Montluc sur place et qui ne perd pas le nord, vient réclamer à
Leurs Majestés le remboursement des frais qu’il avait assumés lors de son
intervention de 1562.
Visite du parlement et des Capitouls. Carême-prenant au château de
Saint-Michel, confirmation religieuse du roi avec son frère Alexandre Edouard
qui prend le nom d’Henri, futur Henri III….C’était son grand-père François 1er
qui lui avait donné le prénom d’Edouard pour faire plaisir au roi
d’Angleterre….L’ambassadeur de ce pays manifesta son déplaisir devant cette
substitution de prénom. Le petit dernier baptisé Hercule devient François comme
son grand-père ce qui est plus convenable si un jour il devait régner.
On assiste au mariage d’un marquis…. On participe à de multiples
processions au travers de la ville, comme celle des reliques de Saint Sernin,
très vénéré des Toulousains.
Le 2 février la reine-mère apprend que son gendre le roi d’Espagne Philippe
II est d’accord pour une entrevue à Bayonne. Il dira « j’ai cédé aux deux
reines. » Catherine fond en larmes à cette annonce.
Une autre nouvelle peu rassurante celle-ci : à Paris Coligny est entré
dans la ville à la tête de 600 cavaliers, profitant de l’absence du Roi pour
braver les édits et menacer la capitale. Charles IX furieux, renvoie sans les
entendre les réformés qui venaient lui demander de nouvelles concessions et la
possibilité de rouvrir leurs temples dans la ville. Le pays risquait d’être à
nouveau en rébellion. La reine-mère tient ferme et refuse toute concession.
Elle espérait aussi rassurer le roi d’Espagne en vue de la rencontre de
Bayonne. Elle misait beaucoup sur cette entrevue et elle avait emprunté des
sommes considérables aux banquiers florentins pour faire de cette réception le
point culminant du voyage.
Ce séjour se prolonge un mois et demi. Les jeunes princes étudient avec
leurs précepteurs. La famille royale est logée dans l’archevêché. On s’organise
comme on peut. Les pièces sont compartimentées par des cloisons en bois pour
avoir suffisamment de chambres et de salles de travail pour le gouvernement et
la famille royale. Si l’on en croit Brantôme, les jeunes princes et leurs amis
sont curieux de ce qui se passe de l’autre côté des cloisons en collant l’œil
aux fentes mal jointes. Suppléments d’études !!
Puis Montauban, ville à majorité protestante, les 20 et 21 mars1565 :
arrivé aux portes de la ville, le roi exige que les Montalbanais rasent leurs
fortifications pour l’accueillir. La ville s’était fait remarquer en résistant
à trois sièges de Blaise de Montluc. Après négociations, le roi traverse le
Tarn sur un pont de pierre et fait son entrée dans Montauban le 20 mars,
quelques arcs de triomphe décorent la ville.
Après un dîner à Labastide-du-Temple le 21, le cortège quitte le Languedoc
pour continuer son Grand Tour par le Guyenne…. A Bayonne la reine-mère espère
voir sa fille Elisabeth épouse du roi Philippe II et négocier un traité avec
l’Espagne. En fait le prudent monarque redoute un tête-à-tête avec sa
belle-mère beaucoup plus politique que lui. Il enverra sa femme, la reine
Isabelle la fille de Catherine, avec le duc d’Albe. Et puis la reine-mère a
reçu l’ambassadeur turc à Bordeaux ce qui a fait très mauvais effet dans le
clan catholique français et espagnol !!
Encore un an de cheminement. Le roi reste peu de temps à chaque
étape : qu’en a-t-il vu et entendu ? Tout au long il reçoit hommages,
honneurs, il assiste aux mariages de fils et filles de seigneurs. Il parraine
des nouveau-nés et même des jeunes enfants de la noblesse. A-t-il vu ce que
cultivaient les paysans, ce que fabriquaient les artisans ? On l’imagine
dans sa voiture écartant le rideau de fenêtre pour voir réellement son royaume.
Il a 14-15 ans au moment de ce voyage, ce qui est un âge normalement de
maturité à cette époque. Mais sa mère ne lui laisse que peu d’initiatives. Nous
ne pouvons-nous empêcher de nous demander quel enseignement en a-t-il tiré… Dans
les villes il reçoit un accueil mitigé des gens de pouvoir, selon que la
majorité dominante soit catholique ou protestante. La conciliation n’était pas
à l’ordre du jour et ceci annonçait des jours difficiles. Des chroniques nous
montrent un Charles IX qui manifeste un intérêt pour la vie quotidienne et le
travail de ses sujets. Il avait semble-t-il le don de savoir parler aux gens et
de donner à chacun le sentiment d’une relation personnelle même brève. Michel
de L’Hospital apparait comme un personnage principal de ce voyage avec la
reine-mère : il intervient, préside, consulte avec autorité, souplesse. Il
rappelle la nécessité de l’autorité royale, dénonce les fautes et les abus,
propose avec fermeté des remèdes. Mais c’est de toute évidence trop tard et les
guerres civiles vont se succéder jusqu’en 1629 sous le roi Louis XIII et
Richelieu.
Sources :
carte du Grand Tour de France de Charles IXwikipedia.org CCBY-SA3.0 Yug Walké
13-6-2016 --- thalamus.huma-num.fr/chronique-francaise/annee-1564.html A.M. Montpellier AA9, année 1564 : édition[Fol. 539 v°]---Société Historique d’Alais 1872---BNF
---archives de Remoulins et Saint-Privat – Daniel
de Montplaisir www.vesilla-galliae.fr/civilisation/histoire/1951-il-r-a-450-ans-charles-ix-achevait-son-grand-tour-1-5-2016 ----Jean Boutier, Alain
Dewerpe, Daniel Nordman, Un tour de France royal. Le voyage de Charles IX
(1564-1566) Persée 1985pp1110-1113--- Abel Jouan Recueil et Discours du
voyage du roi Charles IX BNF gallica--- Castelot Decaux Jullian Lzvron Histoire de la France et des Français au jour
le jour 1547-1643 Vers la monarchie absolue –Librairie Académique Perrin 1976
IBSN2-262-00025-5---Rosine
A. Lambin, Femmes de paix : la
coexistence religieuse et les dames de la noblesse en France, 1520-1630,
Éditions L'Harmattan, 2003, p. 409-410 et 381-386.--- HuguesDaussy, Le parti huguenot. Chronique d’une désillusion (1557-1572),
Genève, Droz, 2014, 882 p.--- basilique-saint-nazaire.over-blog.com/2017/02/1er-fevrier-1565-charles-ix-a-toulouse.html---/www.psbenlyonnais.fr/rois-de-france-en-visite-a-lyon/---Jean-François Solnon Catherine de Médicis édit
Tempus2009---www.ladepeche.fr/article/2017/01/01/2488570-janvier-1565-charles-ix-a-carcassonne.html
--Aquarelles "Cortège
historique des moyens de transport", dessins et aquarelles de A.Heins,
texte de Edmond Cattier. -- tapisseries
proviennent de "L'Histoire de France et des français" d'Alain Decaux
et André Castelot (13 volumes).--
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